◀ Notice

Personnes
Personnes nb
Louis XIV 4
Orléans-Longueville Nemours, Marie d’ 2
Marie-Thérèse d'Autriche 2
Mancini, Olympe 2
Girard de Charnacé, Jacques-Philippe de 1
Floridor, Josias de Soulas de Primefosse, dit 1
Faviot ou Faviol, Alix, épouse de Nicolas de Vin dit Des Œillets, dite Mademoiselle Des Œillets 1
Jacob, Louise, dite Mademoiselle d'Ennebault 1
Jacob, Zacharie, dit Montfleury 1
Orléans, Philippe d’, dit Monsieur 1
Savoie-Nemours, Marie Jeanne Baptiste de, dite Mademoiselle de Nemours 1
Savoie, Marie-Françoise-Élisabeth de 1
Lansac, Anne-Armande de Saint Gelais de, épouse de Charles III de Blanchefort-Créquy duchesse de Créquy 1
Ailly, Madeleine Charlotte d'Albert d' 1
Séguier, Charlotte, épouse Maximilien III de Béthunes, duchesse de Sully 1
Rohan-Montbazon, Anne de, duchesse de Luynes 1
Fare Le Tellier, Madeleine, épouse de Louis Marie Victor d'Aumont, marquise de Villequier 1
Montespan, Françoise Athnénaïs de Rochechouart-Mortemart, marquise de 1
Le Coigneux, Polyxène, épouse de Henri-Emmanuel Hurault, marquise de Vibraye 1
Montausier, Julie d'Angennes de Rambouillet, duchesse de 1
Brancas, Marie de 1
Médavy, Marie Louise de Rouxel de, dite Mademoiselle de Grancey 1
Castelnau, Marie Girard, née de l'Espinay, maréchale de 1
La Mothe-Houdancourt, Anne-Lucie de 1
Ardennes, Mlle d' 1
Arquien, Louise-Marie de la Grange d' 1
Coëtlogon, Louise-Philippe de 1
Pons, Mlle de 1
Sévigné Grignan, Françoise Marguerite de 1
Dupuis, Hilaire, dite Mademoiselle Hilaire 1
Cercamanan, Anne Fonteaux de 1
Bergerotti, Anna 1
Ballard, Robert III 1

 

Personnages
Personnages nb
??? 4
[mercure] 2
[pallas] 2
[venus] 2

 

Lieux
Lieux nb
Paris, Palais Royal 2
Paris, Théâtre du Palais-Royal 1

 

Techniques
Techniques nb
Costumes 1
[decor] 1

 

 

« Hazardée », La Muze historique, Lettre VII en vers à Son Altesse Madame la Duchesse de Nemours. Du 16 février 1664.

Loret Jean (1595 ?-1665).
Paris, P. Daffis, 1878, t. IV, p. 164-166.

Responsables : Mathilde Nicolas, Transcription et balisage — Marion Ignace, Balisage.

[p. 164]

LETTRE SEPTIÉME
Du [samedi] seize Février.
HAZARDÉE

MADAME, quoi que peu sçavant,
Il faut, dans l’Article suivant,
Que d’un beau sujet je discoure,
Ou du moins, que je le parcoure ;
Ce n’est pas mon intention
De faire une Description
Reguliére, Pléniére, entiére,
Du susdit sujet, ou matiére,
Ce me seroit trop de tracas :
Mais comme, en de semblables cas,
Ç’a toûjours été ma coûtume
D’hazarder quelques traits de plume,
Sans m’amuzer aux longs dicours
Sans un’œuvre de pluzieurs jours,
Je n’y vais employer qu’une heure,
Et c’est assez que je l’éfleure.
Mercredy, fut le premier jour
Où le beau Balet de la Cour,
Agréable par excélence,
Avec grande magnificence,
Au Palais Royal fut dansé,
Où le Commandant, Charnassé,
Gentil-homme digne d’estime,
À la priére d’un intime,
Qui l’en requit obligeamment,
M’y fit placer commodément,
Et tout contre, par bonne chance,
D’une Belle, de connoissance.
Ce Balet des mieux compozez,
S’intitule Amours Déguizez.
Aprés la premiére Musique
Qui fut tout-à-fait harmonique,
Mercure, Pallas et Venus,
Sur le Téatre intervenus,
Firent, entr’eux, un Dialogue,
Qui du sujet est le Prologue,
Où ces belles Divinitez,
En Vers par elles récitez,
Prétendent donner la victoire,
L’une à l’Amour, l’autre à la Gloire :
Pallas, avec son sage Esprit,
Le party de la Gloire prit,
(Seul but des Lettres et des Armes ;)
Et Venus avec ses doux charmes
À qui tant de cœurs font la cour,
Ne parla qu’en faveur d’Amour,
Chacune dans leurs contreverses,
Alèguant des raizons diverses :
Enfin, ne pouvant s’acorder,
Mercure, sans rien décider,
Leur fait accepter pour Arbitre
Louis, qui mérite le titre
Du Roy qui le plus judicieux
Qui soit sous la rondeur des Cieux,
Roy, qui dans la fleur de son âge
Est aussi charmant qu’il est sage,
Et dont ces trois Divinitez
Prônans les hautes qualitez,
A son honneur cent chozes dizent
Et ses Vertus immortalizent.
L’excélent Acteur, Floridor,
Qui vaut mieux que son pézant d’or,
Dans son héroïque figure,
Réprezenta le Dieu Mercure.
Mademoiselle Des-Oeillets,
Qui dans ses Rolles, ou Rollets,
A paru toûjours admirable,
(D’autres dizent incomparable)
Ayant, et lance et coutelas,
Faizoit la Guerriére Pallas,
Et du sieur Monfleury la Fille,
Qui d’un air assez charmant brille,
Et mieux que ses riches atours,
Étoit la Mére des Amours,
Dont tous trois de l’honneur acquirent,
Et firent bien tout ce qu’ils firent.
Le Ballet aprés commença,

[p. 165] 

Où nôtre Monarque dansa
Avec cette grace Royale
Qui dans l’Europe est sans égale.
Aprés luy, Monsieur d’Orleans,
Fut le plus Galant de léans,
Montrant une si noble adresse,
Que par le bel air et justesse,
Dont ses pas êtoient animez,
Pluzieurs beaux yeux furent charmez.
Maint Prince, Duc et Pair de France,
Qui sçavent aussi bien la dance,
Que le Mêtier de guerroyer,
Lors que Mars veut les employer,
Audit Balet se signalérent,
Et fort galamment y dansérent,
Étant Gens d’élite et de choix,
Mais qui plus, qui moins, toutefois,
Enfin, mainte Personne illustre
Parut, illec, dans tout son lustre.
La jeune Reine mesmement,
De la Cour le cher Ornement,
De mille graces assortie,
Voulut être de la partie,
Avec cette douce fierté,
Naturelle à Sa Majesté,
Qui marque sa naissance Auguste,
Y dansa fort bien et fort juste.
Pluzieurs autres nobles Objets,
Dont bien des cœurs sont les sujets,
Augmentans, comme des miracles,
La pompe et l’éclat des spectacles,
Avec un parfait agrément,
Y dansérent pareillement ;
Et comme elles sont toutes belles,
Je vais spécifier icelles
Dans un stile simple et naïf,
Et non d’un ton superlatif
Sans afecter, mesme, aucun ordre,
De peur qu’on y trouvât à mordre,
Ny relever leurs qualitez
Par pointes et subtilitez.
De leurs Noms voicy, donc, la liste,
Comme ils viendront à l’improviste,
Sans y chercher d’autre façon ;
On m’a donné cette leçon.
Primo, cette aimable Princesse,
Qui de Soissons est la Comtesse,
Un des beaux Esprits de la Cour,
Digne d’honneur, digne d’amour,
Et (ce qui vaut mieux qu’un Domaine)
Sur-intendante chez la Reine.
D’Elbeuf la Fille, et non la Sœur,
Dont les yeux ont grande douceur,
Dont la face est claire et seraine,
Et qui vient du Sang de Loraine.
Mademoizelle de Nemours,
Qui, dans la fleur de ses beaux jours,
Est un amas de belles chozes,
Et, sur tout, de lys et de rozes.
Sa Cadette, dont l’air charmant, [Mademoiselle d’Aumale.]
Pouroit d’un Dieu faire un amant,
Blanche et fraîche comme une Aurore,
Et qui-là reprézentoit Flore.
La noble Dame de Créqui,
Adorable Duchesse, et qui
Peut passer, dans toute croyance,
Pour un des beaux Objets de France.
La jeune Madame de Foix,
Dont chacun dit, à haute voix,
Que dans tout le Monde habitable
On ne voit rien de plus aimable.
L’agréable et jeune Sully,
Au vizage frais et joly.
L’incomparable de Luynes,
Dont les beautez presque divines,
Les yeux, la gorge, et l’en-bon-point
Blessent et ne guérissent point.
Vilequier, Marquize excellente,
Spiritüelle, intelligente,
Dont la Personne a des apas,
Et qui, sur-tout, fait de beaux pas,
Etant parée, ou non parée,
En dançant toûjours admirée.
L’agréable de Montespan,
Que l’on peut nommer un beau plan
De toutes les graces touchantes
Qui rendent les Dames charmantes.
La jeune Dame de Vibray,
Laquelle, pour dire le vray,
Et bien parler comme il faut d’elle,
A la gloire d’être fort belle ;
D’honnêtes Gens m’ont dit cela,
Car je ne la vis pas bien-là.
Montauzier, digne et rare Fille,
En qui la vertu toûjours brille,
L’esprit, la prudence et l’honneur,
Qui n’est pas un petit bon-heur,
Brancas, dont l’angélique face
L’éclat des plus beaux lys éface,
Fille qu’on aime, avec raizon,
Et d’illustre et bonne Maizon.
Grancé, belle et jeune Normande,
Des plus aimables de sa bande,
Et qui, parmy ces qualitez,
Est fort noble des deux côtez.
Castelnau, beauté singuliére,
Douce fleur, roze printaniére,
Dont le Pére, Homme martial,

[p. 166] 

En mourant fut fait Marêchal.
Mademoiselle de la Mothe,
Pour qui maint noble cœur sanglote,
Ayant des mérites assez,
Pour attacher les mieux sensez.
Dardennes, Fille ravissante,
D’humeur belle et divertissante,
Et qui porte dans ses beaux yeux
Dequoy charmer des demy-Dieux.
D’Arquien, dont l’esprit est fort sage,
Et dont les yeux et le vizage
Ont je ne sçay quoy d’assez doux
Pour mériter un digne Epoux.
Cologon, la belle inhumaine,
Qu’on estime fort chez la Reine,
Et qui par ses charmes vainqueurs
Se peut asservir bien des cœurs.
De-Pons, illustre Demoizelle,
De l’Honneur vizible modelle,
Très-digne du doux Sacrement,
Et qui dance admirablement.
J’ay pensé faire une folie,
En oubliant cette jolie,
Cette pucelle Sévigny,
Objet de mérite infiny ;
Certes, moy, qui l’ay deux fois vûë
De divins agrémens pourvûë,
Et d’une très-rare beauté,
Aux Balets de Sa Majesté,
Si quelqu’un s’en venoit me dire,
Et fût-ce le Roy nôtre Sire,
As-tu rien vû de si mignon ?
Je dirois hardiment que non.
Outre ces Beautez éclatantes,
La plus-part des Dames importantes,
Cinq ou six Fillettes encor,
Chacun valant un Trézor,
Fort joliment s’y trémoussérent,
C’est-à-dire très-bien dansérent,
Mais leurs noms êtant oubliez
Ne sont point icy publiez.
Il s’y fit des Concerts si rares,
Qu’ils eussent touché des Barbares,
On chanta quatre ou cinq Récits
Qui tenoient tous nos sens surcis.
Ces trois aimables Demoizelles, [Mesdem. Hilaire, Cercamanan et Anne Bergeroti.]
Qui sont si bonnes Chanterelles,
Dont tu vois les noms à côté,
N’avaient jamais si bien chanté.
Les habits êtoient admirables,
Les perspectives agréables,
Riches et beaux les ornemens,
Et, merveilleux, les changemens.
Mais êtant pressé de conclure,
Par mon Imprimeur qui murmure,
En me dizant, hola, hola,
Je suis contraint de brizer-là,
Non pas sans dire male-peste ;
Aprenez de Balard le reste,
Il en a fait un Imprimé
Par qui tout Paris est semé ;
Et, de plus, la Gazette en Proze
En raporte aussi mainte choze.
Du moins ce beau Balet Royal,
Et sérieux, et jovial,
Si par hazard je l’estropie
Dans cette imparfaite Copie,
Il se peut vanter qu’aujourd’huy
Je n’ay discouru que de luy :
Enfin, je suis fort las d’êcrire,
Et ne croyois pas en tant dire.
Haute Princesse de Nemours,
Pardonnez à ce long Discours.
Achevé, dont je suis bien aize,
Du second des mois, le jour seize.

Apostile

Cher Lecteur, je crains que ces Vers
Ne soient par toy vûs de travers,
Comme dignes de tes censures :
J’ay fait de meilleures peintures.